La promotion de la relève en patinage artistique et ses pièges
Le système actuel de promotion de la relève est-il encore adapté à notre époque et soutient-il réellement le succès à long terme dans le sport d’élite ? Quels sont les besoins et les particularités dont il faut tenir compte en patinage artistique ? Analyse.
Art on Ice young talents 2024
Devenir la prochaine Denise Biellmann ou le prochain Stéphane Lambiel : de nombreux jeunes talents du patinage artistique rêvent d’atteindre un jour l’élite mondiale. Mais que faut-il pour cela ? Dans quelle mesure une carrière de patineur artistique peut-elle être planifiée ? Quel est le prix à payer, au sens propre comme au sens figuré, par les sportifs et les familles ? Et à quel moment du parcours de l’athlète une promotion ciblée a-t-elle le plus de sens ? Je m’intéresse à ces questions dans le cadre du développement de notre projet pour la relève « Art on Ice young talents ».
Pour revenir sur Stéphane Lambiel et Denise Biellmann : ils sont de bons exemples et des modèles pour les enfants et les jeunes. En effet, malgré un entraînement intensif dès l’enfance, de la sueur, d’innombrables heures de travail et beaucoup de renoncement, ils sont aujourd’hui encore en bonne santé et peuvent se retourner sur une carrière réussie et heureuse. Et ils sont toujours engagés dans le sport à l’heure actuelle. Ce qu’ils ont également en commun : sans le soutien (personnel, mental et financier) de leur famille, une telle carrière n’aurait pas été possible.
Souvent, c’est justement dans les sports marginaux qu’il manque une promotion ciblée des talents en dehors des structures de la fédération. Et l’association dispose elle aussi de ressources humaines et financières limitées. La réussite rapide détermine souvent si un sportif reçoit un soutien financier, que ce soit sous forme de subventions ou de sponsoring. Parallèlement, les athlètes doivent concilier école, vie privée et entraînement intensif à un âge précoce.
La promotion de la relève 2009
Kimmy Repond 2022
Se concentrer sur le potentiel à long terme plutôt que sur les succès à court terme
Une étude de Sports Medicine montre que de nombreux sportifs d’élite ne faisaient pas partie des plus performants dans leur jeunesse, mais qu’ils ont fait plus de progrès à long terme que les juniors de haut niveau. Cela suggère que l’entraînement des jeunes sportifs devrait moins viser à obtenir des résultats à court terme à un jeune âge qu’à développer leur potentiel pour une amélioration des performances à long terme à l’âge adulte.
Si les programmes d’encouragement et les bourses sportives privilégient les performances actuelles des jeunes, ils risquent d’inciter les jeunes athlètes, les entraîneurs et les parents à maximiser les succès à court terme, ce qui pourrait avoir des conséquences négatives à long terme sur la santé mais aussi sur les performances.
Difficultés en patinage artistique : manque d’infrastructures, dépenses élevées, puberté
En patinage artistique aussi, il est fréquent que de nombreux jeunes talents sélectionnés n’atteignent pas le niveau de l’élite par la suite. C’est une des raisons pour lesquelles de nombreuses personnes, en particulier les filles, n’évoluent pas comme prévu ou arrêtent de faire du sport très tôt souvent, la progression stagne pendant la croissance et la puberté et on ne donne pas assez de temps pour gérer les changements physiques et adapter la technique.
La progression à long terme plutôt qu’immédiate est prise en compte dans les Tests PISTE des fédérations, qui décident de la sélection des cadres et donc du soutien. Le potentiel à long terme est évalué lors d’un screening complet incluant le parcours de l’athlète et la situation familiale.
Cinq talents en direct d’Art on Ice 2025
Cinq jeunes de la Talent Team font partie de la tournée Art on Ice 2025 et seront sur la glace aux côtés des stars mondiales du patinage artistique. Pour Ava D’Andrea, Tammaro Wyss, Ean Weiler, Elisabeth Dibbern et Olivia Bacsa, c’est un grand rêve qui se réalise.
Le revers de la médaille : si le soutien arrive trop tard, la charge financière est souvent trop lourde pour une famille. Le patinage est très cher pour de nombreuses raisons. En Suisse, cela s’explique par l’infrastructure, c’est-à-dire la glace, rare et chère. Ensuite, parce que, sans de très nombreuses heures d’entraînement, et des coûts élevés pour les coachs, on ne peut pas rivaliser avec les autres nations. Et enfin, parce que, en patinage artistique, le prestige et le lobby sont très importants. Cela signifie que sans une équipe de coaching et de chorégraphie de renommée internationale, et donc souvent coûteuse, à ses côtés, il est difficile de convaincre le jury.
Art on Ice young talents : développement personnel et plaisir aussi au premier plan
Avec les « Art on Ice young talents », nous voulons donc agir à différents niveaux. Nous misons sur une collaboration avec Swiss Ice Skating afin de préserver les ressources. Nous soutenons les patineurs et patineuses de différents âges et stades de développement, mais uniquement jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de l’élite et qu’ils remportent des contributions de l’Aide sportive et des primes grâce à leurs performances.
Les succès lors des compétitions sont déterminants dans la mesure où notre première sélection se fait grâce à eux et à l’appartenance à un cadre. Mais ensuite, nous mettons l’accent sur le plaisir, le facteur de divertissement et le potentiel de développement. Lors de la sélection des athlètes et avec notre soutien, nous mettons différents experts à la disposition des talents. Et ils ont la possibilité de se produire à Art on Ice. Dans ce contexte, nous pouvons compter sur le soutien d’AXA Suisse.
Notre objectif dans cet accompagnement complet : développement personnel, plaisir, plus d’expression, plus de confiance en soi et ainsi soutenir les athlètes d’une manière un peu différente dans leur objectif d’atteindre un jour l’élite mondiale.
Sarah van Berkel, anciennement Meier, a été championne d’Europe de patinage artistique en 2011. Elle est aujourd’hui journaliste et responsable du management des athlètes ainsi que du projet « young talents » chez Art on Ice. Cette quadragénaire est une « Gfrörli », elle adore le café et les noix.